Rencontre avec Edouard SAUER, Président de KS groupe
Implanté dans l’agglomération strasbourgeoise, KS groupe est un acteur majeur du secteur de la construction et de l’immobilier en Alsace. Fort de 18 entités spécialisées, le groupe familial dirigé par Édouard et Jérôme Sauer accompagne les projets industriels, logistiques et tertiaires avec une approche intégrant les enjeux environnementaux et sociétaux. Lauréat du classement Choiseul Alsace 2025, Édouard Sauer incarne une gouvernance engagée et innovante, portée par une vision de l’entreprise comme levier de transformation territoriale.Partenaire fondateur du classement Choiseul Alsace 2025, l’ADIRA s’engage aux côtés des jeunes dirigeants qui façonnent l’avenir économique du territoire. Le classement repose sur une méthodologie rigoureuse, fondée sur l’analyse de divers critères : âge (moins de 40 ans), responsabilités exercées, impact économique, engagement territorial, leadership, et prise en compte des enjeux environnementaux et sociétaux. Forts de notre lien quotidien avec les entreprises du territoire et leurs décideurs, nous avons souhaité valoriser à travers cette série d’entretiens les parcours inspirants des jeunes leaders alsaciens d’aujourd’hui et de demain.
Vous êtes lauréat(e) du classement Choiseul, félicitations ! Pouvez-vous nous donner un rapide aperçu de votre parcours ?
À 39 ans, je préside KS groupe, une entreprise familiale fondée par mon grand-père et développée par mon père puis mon frère, que j’ai rejoint en 2009. J’ai fait une école d’ingénieur (INSA Strasbourg) que j’ai complétée par un cursus en droit de l’immobilier.
Quelle est votre perception de l’économie alsacienne ?
Je vois l’économie alsacienne comme un écosystème solide, empreint d’un fort héritage industriel, dont le capitalisme rhénan a façonné la trajectoire. L’Alsace est résiliente, exigeante, attachée à la culture du travail et capable de s’adapter sans renier ses valeurs. Elle regorge de savoir-faire… mais reste encore souvent discrète sur ses réussites. Nous savons faire, mais nous devons apprendre à mieux le faire savoir.
Ce territoire possède des atouts remarquables : un tissu entrepreneurial dense, des filières industrielles nombreuses, une main-d’œuvre qualifiée et bien évidemment une situation géographique stratégique, au cœur de l’Europe. C’est un terreau propice pour celles et ceux qui veulent y entreprendre, innover, s’y installer.
Il y a ici un vrai dynamisme économique par la diversité des secteurs, un vivier d’entrepreneurs innovants si on se réfère au nombre de start-ups qui ont émergé. L’écosystème d’accompagnement est également efficace, ce qui fait que l’Alsace a toutes les cartes en main pour incarner une économie à impact et attirer des repreneurs d’entreprise, les start-ups et les investisseurs.
Pouvez-vous nous parler d’un projet marquant que vous avez mené ?
Bien des projets m’ont marqué et il est forcément délicat d’en choisir un seul : mais si tel est l’exercice je ferais un zoom sur la reconversion du site KNORR à Duppigheim, aujourd’hui devenu Zebra Park. C’est un projet emblématique, à bien des égards.
Quand l’usine KNORR a fermé en 2021, elle a laissé derrière elle une friche industrielle de plus de 35 000 m², à l’arrêt, sur un foncier déjà artificialisé. Plutôt que de consommer de nouvelles terres agricoles, nous avons fait le choix, avec Aréfim maître d’ouvrage et société affiliée à KS groupe et notre filiale KS Construction, de réinvestir ce site abandonné pour y développer deux bâtiments logistiques dernière génération, à haute performance environnementale.
Mais réhabiliter une friche, c’est tout sauf simple. Nous avons été confrontés à une grande complexité écologique, réglementaire, technique. Ce site abritait une biodiversité remarquable, avec des espèces protégées comme le crapaud vert ou le lézard des murailles. Nous avons donc intégré, dès la conception, les principes “Éviter, Réduire, Compenser”. Sur la base de d’études avec la DREAL et un écologue, des mares ont par exemple été créées pour préserver les espèces, des corridors ont été maintenus, des prairies ont été plantées et un suivi par l’indice IBL (indice de biodiversité locale) qui venait d’être développé avec la CDC biodiversité a été expérimenté pour la toute première fois sur notre projet pour mesurer l’efficacité des actions menées.
Par ailleurs, nous avons aussi mis en œuvre une démarche d’économie circulaire, en réutilisant une partie des matériaux issus de la déconstruction du site. Cela a représenté un défi technique et logistique important pour nos équipes.
Ce projet illustre de ce que nous voulons faire chez KS groupe : réconcilier développement économique et responsabilité environnementale, dans des projets à forte valeur ajoutée pour le territoire.
Quelles sont, selon vous, les spécificités ou les atouts de l’Alsace qui ont favorisé ce projet ?
C’est grâce à la richesse du tissu industriel de l’Alsace que nous avons pu réhabiliter cette friche, et il y en a bien d’autres encore en Alsace !
Ensuite la mobilisation collective sur projet nous a bien aidé. Le projet Zebra Park a pu voir le jour grâce à une dynamique de co-construction locale : la commune, les riverains, les services de l’État, les élus… tous ont été associés très en amont. Cette démarche a favorisé l’acceptabilité locale du projet.
Ensuite, l’Alsace est un territoire qui sait valoriser l’innovation et l’engagement environnemental. La Région Grand Est a d’ailleurs soutenu le projet via une subvention en reconnaissance de la démarche durable portée par le maitre d’ouvrage AREFIM.
Comment l’ADIRA vous a-t-elle accompagné(e) dans votre parcours ou vos projets ?
L’ADIRA est un facilitateur de mise en relation entre entreprises, collectivités et partenaires institutionnels. Par ailleurs l’ADIRA a une connaissance approfondie de l’industrie, de ses préoccupations et ses besoins, et contribue ainsi à la réussite de bon nombre de projets sur le territoire.
Comment votre organisation s’adapte-t-elle aux grandes transitions actuelles (écologique, numérique, sociale) ?
Je suis convaincu que l’entreprise ne peut plus se contenter de créer uniquement de la valeur économique : elle doit aussi assumer une responsabilité envers le territoire, la société et l’environnement. Ce sont des valeurs que je défends avec mon frère Jérôme. Elles nous ont poussés à opérer une transformation profonde de notre modèle de gouvernance chez KS groupe pour répondre à nos convictions. Notre vision en tant que dirigeants est que les entrepreneurs de demain sont ceux qui sauront conjuguer performance et impact. Ceux qui feront du bien commun un véritable moteur dans leur prise de décision. Ceux capables de proposer des modèles plus disruptifs mais à la fois durables, plus inclusifs, plus justes pour faire bouger les lignes.
C’est en cela que KS groupe est passé société à mission fin 2023, que nous avons créé un Fonds de dotation actionnaire qui, en plus de détenir des parts du groupe, finance des projets en faveur de l’inclusion et de la protection de l’environnement. Les enjeux environnementaux et sociétaux sont intégrés dans la vision de chaque projet.
Comment le fait de vivre en Alsace a-t-il influé sur votre réussite ?
L’Alsace m’a offert un cadre de vie exigeant et stimulant, où l’on grandit avec le goût du travail bien fait, le sens des responsabilités et une certaine fidélité à ses engagements. Cette culture à la fois rigoureuse et ancrée sur de fortes valeurs m’a forgé autant dans ma vie personnelle que professionnelle.
Si vous deviez convaincre un jeune talent de s’installer en Alsace, que lui diriez-vous ?
Je lui dirais que l’Alsace est un territoire où les opportunités sont nombreuses grâce à sa richesse entrepreneuriale avec un très bon niveau d’accompagnement par des corporations ou les collectivités. Mais l’Alsace est également riche de réseaux d’entrepreneurs, de clubs et de structures prêts à accompagner les nouveaux venus et à leur donner les meilleurs retours d’expérience pour faciliter leur installation.
Et si je devais insuffler une nouvelle dynamique pour renforcer cette attractivité, ce serait celle d’un collectif territorial d’entreprises engagées, qui rassemble les acteurs économiques partageant une même vision : celle d’une croissance qui sert le bien commun.
Beaucoup d’initiatives existent déjà, mais elles sont souvent dispersées. En fédérant ces volontés, en créant une co-construction entre public et privé, nous pourrions faire de l’Alsace un terrain avant-gardiste d’entreprises au service d’un avenir plus juste, plus durable. C’est ce genre de cadre que j’aurais aimé trouver en tant que jeune entrepreneur et que j’ai aujourd’hui envie de construire.
L’Alsace c’est aussi Strasbourg, une ville incroyable où il fait bon vivre à vélo. Non loin de là quelques autres belles villes comme Haguenau, Colmar, Mulhouse, des villages les uns plus beaux que les autres. Et que dire des Vosges, ce terrain de jeux incroyable pour se reconnecter à la nature, faire du sport et vivre des aventures.
Un mot pour la fin ?
Ma vision est qu’en Alsace comme ailleurs, les entreprises ont un rôle clé à jouer pour réconcilier économie et bien commun. Une entreprise ne vaut que si elle transmet quelque chose de grand à ses collaborateurs, à son territoire, aux générations qui suivent. Nous ne pouvons plus considérer l’entreprise comme ayant une vocation unilatérale basée sur la performance économique. Dans un contexte où l’urgence climatique et sociale impose de repenser nos choix, l’entreprise a son rôle à jouer.
Mais seul, la tâche s’avère souvent compliquée et c’est pour cette raison qu’allier nos compétences avec des collectivités locales et territoriales permettraient de faire de l’Alsace un laboratoire d’expérimentation pour devenir la première collectivité engagée ! Car j’en suis convaincu, c’est en additionnant les volontés locales que nous ferons émerger les grands changements.

Monique Jung Gengenwin
Directrice