Malgré des atouts indéniables, l’Alsace peine à attirer des cadres d’autres régions françaises ou des profils internationaux, plus séduits par Bordeaux, Lyon et Nantes. Face à ce constat, l’ADIRA a réuni une soixantaine de directeurs de ressources humaines d’entreprises alsaciennes au sein du Club Carrière Alsace. Ensemble, ils planchent sur des solutions concrètes pour combler le déficit de notoriété de la région et recruter de nouveaux talents.

 « En Alsace, il fait -40°C toute l’année. » « La région est isolée du reste de la France, refer­mée sur elle-même. » « Il n’est pas facile de s’y intégrer et, en plus, il faut parler allemand. » Ces idées reçues, aussi caricaturales soient-elles, sont encore ancrées dans l’esprit de beaucoup de Français. « Il y a une réelle distorsion entre l’image que renvoie l’Alsace et la réalité du ter­rain, beaucoup plus positive », déplore Monique Jung, directrice adjointe de l’ADIRA. Cette image peu flatteuse représente d’ailleurs un frein au recrutement des cadres venant d’autres régions françaises ou de profils internationaux. « Nous avons eu plusieurs retours d’entreprises locales et du monde de la recherche publique confir­mant ce manque d’attractivité de la région. Il y avait notamment un poste de directeur de laboratoire qui n’arrivait pas à être pourvu et qui a failli remettre en question l’existence même de la structure », détaille Monique Jung.

L’Alsace, pour beaucoup, se résume à sa chou­croute, ses cigognes et sa cathédrale, comme le confirme Heiko Höfer, de l’agence strasbourgeoise Transearch international, cabinet spécialisé dans le recrutement des cadres dirigeants. « La région est réputée pour sa qualité de vie. Elle communique très bien sur son image touris­tique mais pas assez sur son tissu économique dense, sur ses possibilités professionnelles. On y trouve quelques pépites, dans l’artisanat ou dans la construction automobile. Il y a un réel savoir-faire, un dynamisme, qu’il faut valori­ser », constate le chercheur de têtes. Et de poursuivre : « Il faut envisager l’Alsace comme une terre d’accueil ouverte à 360°. On peut tra­vailler dans la région mais aussi en Suisse, dans le pays de Bade ou à Stuttgart. » La région, par son positionnement géographique privilégié, est au centre de l’Europe.

Des secteurs plus touchés que d’autres

Ces atouts ne semblent pourtant pas suffisants. Strasbourg, septième commune française, mé­tropole européenne et deuxième ville diploma­tique de France, n’arrive qu’en douzième position des villes les plus plébiscitées par les cadres fran­ciliens, selon une étude de Cadremploi, parue en 2014. Loin derrière le top 3 : Bordeaux, Lyon et Nantes. Alors même que 51% de ces cadres fran­ciliens se déclarent insatisfaits de leur situation, déplorent le temps passé dans les transports, les problèmes de logement, le coût de la vie, le manque de proximité avec la nature, les diffi­cultés de gestion de leur famille. Des points où l’Alsace a évidemment une carte à jouer. Dans la dernière étude emploi cadre 2016 menée par l’APEC, près d’une entreprise alsacienne sur trois (31%) déclare avoir des difficultés à recruter des cadres, contre une entreprise sur quatre (25%) au niveau national. Certains secteurs et métiers sont plus particulièrement concernés. Dans le com­merce, des postes de commercial, responsable/ manager de rayon et de directeur de magasin sont difficiles à pourvoir en raison notamment des prétentions salariales trop élevées des candidats. Dans l’industrie, les secteurs de l’au­tomobile, de l’aéronautique et de la métallurgie peinent à trouver des candidats pour des postes de responsable qualité, d’ingénieur électronique, d’expert câblage. La raison ? Outre l’image du territoire, le manque d’expertise technique, de compétences linguistiques et la rareté même de certains profils dans des domaines pointus. Enfin dans l’industrie, les difficultés se concentrent dans les domaines de l’ingénierie, de la recherche et développement et des activités informatiques (développeur réseau, ingénieur études et déve­loppement, chef de projets cliniques, médecin en pharmacovigilance).

Ces freins dans le recrutement sont d’autant plus paradoxaux qu’« une fois les candidats installés, ils n’ont plus envie de repartir, c’est ce que nous disent tous les directeurs de ressources humaines », explique Monique Jung. Pour trouver des solutions concrètes à ce déficit de notoriété de l’Alsace, l’ADIRA a décidé fin 2012 de réunir les directeurs de ressources humaines des entreprises alsaciennes intéressées et de créer le Club Carrière Alsace autour de l’Agence d’attractivité de l’Alsace, l’Eurométropole de Strasbourg et les agglomérations de Colmar et Mulhouse. Elle y a associé l’APEC, dont le coeur de métier est l’emploi des cadres. « L’idée du Club est de définir les attentes de chacun, les besoins, les difficultés rencontrées et d’apporter des solutions collectives. »

Le club des incorrigibles optimistes

Le Club Carrière Alsace compte à ce jour une soixantaine de membres : des managers de site, des responsables ressources humaines, de petites comme de grandes entreprises, privées comme publiques. Air France, Alsapan, Caisse d’Épargne d’Alsace, CNRS, De Dietrich, Groupa­ma, Lilly France, Lohr industrie, Soprema, Würth et bien d’autres sont représentées. La société ADIS (centre de gestion des produits AGIPI), filiale à 100% du groupe Axa, qui compte 300 salariés, a rapidement rejoint le club. « Nous recrutons beaucoup et il est important pour nous de soute­nir l’ADIRA et ce Club dans ce projet, d’attirer les cadres dans notre région voire de développer l’ac­tivité économique. Il est également intéressant de partager avec les autres membres nos différentes expériences dans le domaine des ressources hu­maines », déclare Pascale Ayard, responsable des ressources humaines. « Chacun apporte sa pierre à l’édifice. Le but est d’attirer les meilleurs », abonde Géraldine Andrès, responsable emploi et talents au sein du groupe Schmidt (ex-SALM), qui compte 1 472 collaborateurs.

Depuis la création du Club, une quarantaine de réunions de travail réunissant une vingtaine de participants à chaque fois, ont permis de dia­gnostiquer les freins au recrutement, de dégager des problématiques variables en fonction de l’emplacement des entreprises. « Trois difficultés principales ont été identifiées et pour chacune nous souhaitons apporter des réponses concrètes, précise Monique Jung. Il y a tout d’abord un pro­blème de génération de CV, il n’y en pas assez, et pas assez d’intéressants. La région n’est pas jugée suffisamment attractive et l’emploi du conjoint pose souvent problème. » En effet, « contraire­ment à ce que l’on croit, la plupart des dirigeants ne sont pas mobiles. Ils sont dans une tranche d’âge où ils ont des enfants, un partenaire de vie. Il faut donc envisager l’ensemble de la famille et pas seulement le cadre dirigeant. Quelles sont les écoles ? Les moyens de transport ? Comment une région est-elle connectée à l’international ? » Voilà les questions auxquelles il faut répondre, précise le chasseur de têtes Heiko Höfer.

Apporter des réponses globales

Fruit d’une longue réflexion au sein du Club Carrière Alsace et résultat de ce travail collabo­ratif, un outil de promotion et d’informations sur l’Alsace vient justement d’être mis en place. Son but ? Redorer l’image de la région, accroître sa visibilité et apporter des réponses pratiques aux futurs candidats. Il prend la forme d’une rubrique détaillée, intitulée « S’installer en Alsace » sur le site de l’Agence de l’Attractivité de l’Alsace (Alsace.com). Elle apporte des informations sur la géographie et l’accessibilité du territoire (2 aéroports internationaux sur son territoire, 2 aéroports internationaux à moins de 2h de route, au coeur du réseau européen de lignes à grande vitesse, au bord de la 1re voie navigable commerciale d’Europe, 300 km d’autoroute sur son territoire), sur ses atouts économiques – l’Alsace, rappelle le site, est la première région de France en termes d’exportation par habitant, la seconde région industrielle de France et la troisième région de France dans le domaine de l’innovation grâce à sa forte concentration de laboratoires et de chercheurs de renommée internationale. Cette rubrique dresse un portrait global de la région, de son cadre de vie, de la gastronomie mais aussi de l’enseignement – de l’école primaire aux études supérieures –, etc. « Nous voulions réunir sur une même plateforme des informations déjà existantes mais de façon éparse sur le web », précise Monique Jung. Un ensemble de renseignements précieux pour une famille qui souhaite s’installer en Alsace.

Autre action concrète initiée par l’ADIRA et le Club Carrière Alsace : aider les conjoints à trouver un emploi. Officieusement déjà, de nom­breux CV circulaient entre les différents DRH du Club. Mais l’ADIRA a décidé d’aller plus loin. Elle a signé en 2013 une convention avec l’APEC Alsace. « Quand une entreprise alsacienne recrute un cadre de haut niveau, l’APEC propose aux conjoints d’être accompagnés par un conseiller, en amont et en aval, dans ses démarches de recherche d’emploi. Il s’agit d’apporter un argument supplémentaire dans la prise de décision du candidat », explique Nicolas Robinius, consultant relations entreprises à l’APEC Alsace. D’autre part, à la demande du Club Carrière Alsace, un site dédié à l’emploi (emploi. alsace.com), développé par Jobijoba pour l’Agence de l’Attractivité de l’Alsace est en phase test. Il récu­père les annonces de l’APEC notamment et permet aux entreprises d’y publier directement leurs offres en quelques clics. « Cet outil sera officiellement lancé en septembre. Il disposera également d’une rubrique CVthèque pour permettre aux conjoints de trouver un job plus rapidement », précise Monique Jung.

Plus les entreprises multiplieront les services aux candidats, moins le risque de refus sera grand. « Il faut lors du recrutement proposer une approche personnalisée. Travailler en amont les préjugés de l’individu en lui faisant découvrir la région par exemple », indique Heiko Höfer. Au sein du groupe Schmidt, par exemple, « on s’organise pour faciliter la vie et l’intégration des nouveaux arrivants. Nous travaillons avec Joëlle Brenner de Transway international pour les aider à trouver un logement, une école. Quand ils ar­rivent en Alsace, plusieurs logements ont déjà été présélectionnés et ils en visitent une quinzaine dans la journée. Nous souhaitons au maximum leur épargner les problèmes logistiques. Le déménagement est d’ailleurs pris en charge par l’entreprise », précise Géraldine Andrès.

Dernier frein au recrutement relevé par le Club Alsace Carrière : l’image même des entreprises. Si la région doit travailler sur sa réputation, les entreprises doivent également améliorer leurs stratégies de recrutement et travailler sur leurs outils de communication. Lors des réunions du Club, plusieurs entreprises ayant développé une marque employeur [concept développé par Didier Pitelet, président de Onthemoon, société de conseil en réputation d’entreprise, qui consiste en une mise en cohérence de toutes les expres­sions d’une entreprise tant interne (gouvernance, salariés) qu’externe (clients, fournisseurs, can­didats…) pour sa performance économique] ont partagé leur expériences : Orange, Mars et le groupe Schmidt. « Le premier réflexe quand on postule à un poste est de taper le nom de groupe sur Google. En tant qu’employeur, il faut être li­sible », indique Géraldine Andrès, la responsable emploi et talents du groupe Schmidt. Son poste a été créé il y a un an et demi. « Notre société passait de la PME locale au groupe international. On avait besoin d’attirer des gens qui peuvent venir du territoire français pour nous accom­pagner dans notre développement », raconte-t-elle. Son entreprise a donc travaillé sur son image. « Pour être plus visible et renforcer l’héritage d’Hubert Schmidt le fondateur, nous venons de changer de nom. Salm est devenu Schmidt Groupe, précise-t-elle. Et début mai, nous aurons un beau site Internet corporate pour communiquer auprès de nos futurs candidats, expliquer l’ADN de l’entreprise, ses valeurs. » Le site proposera des témoignages de salariés et de fournisseurs, tous fiers de travailler pour une entreprise qui est en croissance ininterrompue depuis sa création en 1934. Le groupe Schmidt a connu une hausse de 8% de son chiffre d’affaires en 2015 et a recruté 75 nouveaux collaborateurs. Il compte bien poursuivre sur la même voie et s’agrandir en 2016. Comme eux, 11% des entre­prises alsaciennes prévoient d’augmenter leur effectif de cadres en 2016, soit 3% de plus que dans l’ensemble de la France. Selon l’APEC, dans le Grand Est, 6 820 à 7 580 recrutements de cadres sont prévus, dont près de 51% en Alsace.

Pour rejoindre le Club Carrière Alsace, contactez Monique Jung, directrice de l’ADIRA, par mail à monique.jung@adira.com

Texte Sonia de Araujo
Illustrations Laurène Boglio


 Cet article est extrait du magazine hors-série ADIRA-ZUT ! 2016 dédié à l’attractivité économique de l’Alsace.

 

 

 


 

Plus d'actualités

Les services de L’ADIRA sont confidentiels et gratuits ! Contactez-nous